Descendeur sans retour

Descendeur 2 18.4.24_DH

(Paris, 18 avril. Cliquer.)

J’imagine cet ascenseur qui ne ferait que descendre, en parcourant les étages vers le bas à toute vitesse et il faudrait remonter par l’escalier pour le retrouver tout en haut afin de recommencer le parcours vertical et vers le sol ; le descendeur n’aurait que cette fonction mais aussi celle de nous bloquer dans l’idée que tout pourrait lâcher, les câbles se fissurer et nous claquer à la figure comme un violent coup de ceinture en cuir.

Alors, aussi, plus dure serait la chute finale : Otis démantibulé, Roux & Combaluzier envoyés hors- champ, la mécanique virevoltant dans tous les sens, les engrenages prenant la poudre d’escampette, l’huile jouant librement dans les rouages désassemblés, la porte abattue, les grilles catapultées, la cage d’escalier sans plus d’ordonnancement ni de destination – un voyage vers l’enfer, un trucage dans le fer, un descendeur sans retour, Miles sans Davis, un 33 tours dont l’écoute n’aurait eu lieu qu’une seule fois avant de s’auto-détruire.

Dans le silence et la solitude de l’immeuble, la machine métallique aurait gagné son indépendance et rendu son verdict en même temps que son dernier souffle. Le poids quotidien de transporter des humains, cette fatigue physique d’avoir à convoyer des gens qui n’utilisent plus les marches pour monter ou repartir, se laissent emporter comme des fétus de paille ou des fûts de pétrole, cesserait enfin. Le descendeur aurait soudain recouvré la liberté et pris ses jambes invisibles à son cou, direction la rue.

(Miles Davis, So What)

D.H.

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